La taxe d’apprentissage et la contribution à la formation professionnelle doivent être versées avant le 1er mars de l’année suivant le versement des salaires entrant dans l’assiette de ces contributions. Cette échéance est l’occasion de faire le point sur les règles applicables en matière de détermination de l’assiette de ces contributions, plus particulièrement au regard des salariés mobiles.
Rémunérations intégrées dans l’assiette des taxes assises sur les salaires
Il convient en premier lieu de rappeler que les taxes assises sur les salaires (taxe d’apprentissage, contribution à la formation professionnelle, mais également participation des employeurs à l’effort de construction) ne sont pas régies par le Code de la sécurité sociale, mais par le Code général des impôts, le Code du travail et le Code de l’habitation et de la Construction. Ces taxes sont dues notamment par les sociétés imposables en France, sur l’ensemble des sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l’occasion du travail.
Sur le plan des principes, les dispositions relatives à l’assiette de ces taxes prévoient un alignement sur l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Il en découle très logiquement que les rémunérations des salariés assujettis à la sécurité sociale française entrent dans l’assiette de ces taxes.
Salariés mobiles : Arrêt du Conseil d’Etat du 8 avril 2013
Cet alignement ne permet toutefois pas d’exclure de l’assiette de ces taxes les rémunérations des salariés qui ne relèveraient plus du régime français de sécurité sociale. Il résulte en effet de l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 avril 2013, l’arrêt Pétroservice, qu’en alignant l’assiette des taxes assises sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur n’a pas entendu modifier le champ d’application de ces impositions, « auxquelles sont demeurés assujettis les employeurs établis en France à raison des rémunérations versées aux salariés qu’ils emploient, indépendamment du lieu où ceux-ci exercent leur activité et des choix opérés sur le fondement des dispositions du titre VI du livre VII du Code de la sécurité sociale relatives à la couverture sociale des salariés travaillant à l’étranger (…) ».
L’administration fiscale a repris cette jurisprudence dans le BOFIP (BOI-TPS-TA-20 n°8, publié le 04-02-2015), en précisant:
« (…) Enfin, les employeurs établis en France sont redevable de la taxe d’apprentissage à raison des rémunérations versées aux salariés qu’ils emploient même lorsque ces derniers exercent leur activité à l’étranger et ne seraient pas redevables de cotisations sociales sur ces rémunérations. Le Conseil d’État a ainsi précisé que les employeurs établis en France sont redevables de la taxe d’apprentissage, de la participation des employeurs à l’effort de construction, et à la formation professionnelle continue à raison des rémunérations versées aux salariés qu’ils emploient indépendamment du lieu où ceux-ci exercent leur activité et des choix opérés sur le fondement des dispositions du titre VI du livre VII du code de la sécurité sociale relatives à la couverture sociale des salariés travaillant à l’étranger (CE, arrêt du 8 avril 2013, n° 346808, ECLI : FR : CESSR : 2013 : 346808.20130408). »
En pratique, ce principe vise les situations suivantes :
- Les salariés mis à disposition d’une société étrangère (qui restent liés à l’employeur français par leur contrat de travail d’origine, modifié par avenant pour la durée de la mission à l’étranger), mais soumis au régime de sécurité sociale du pays d’emploi ;
- Les salariés en pluriactivité dans l’Union Européenne couverts par un régime de sécurité sociale autre que le régime français (par exemple, un salarié résident d’un autre Etat de l’Union, qui exerce son activité à la fois en France et dans cet autre Etat, ou encore un salarié en split payroll qui bénéficierait d’un second contrat de travail avec un employeur situé dans son Etat de résidence) ;
- Les salariés en télétravail dans un Etat autre que la France, couverts par le régime de sécurité sociale de cet Etat en vertu du principe de territorialité.
Les rémunérations versées à ces salariés doivent donc être intégrées dans l’assiette des taxes assises sur les salaires, et faire l’objet d’une déclaration à ce titre dans la DSN.
A ce titre, il convient de rappeler que les entreprises ayant opéré des versements insuffisants au titre de la taxe d’apprentissage et de la participation à la formation continue sont redevables d’une somme correspondant au montant de la contribution concernée, majorée de l’insuffisance constatée. En ce qui concerne l’investissement construction, les employeurs qui n’ont pas ou pas assez investi au cours d’une année sont redevables d’une cotisation de 2%, calculée sur les rémunérations versées.
Par conséquent, en cas de redressement des bases de ces taxes par l’administration fiscale, la société est non seulement redevable des pénalités de retard sur les sommes non acquittées, mais égalementdes majorations précitées, qui peuvent conduire à doubler le montant des taxes non acquittées.
La doctrine fiscale
L’administration est toutefois allée encore plus loin dans le raisonnement, puisque la nouvelle doctrine précise également:
« A cet égard, il n’est pas besoin de distinguer selon que les fonds servant au paiement des rémunérations des salariés expatriés proviennent de ressources propres du centre d’opérations en France ou de l’entreprise située à l’étranger. Il en résulte que le versement de la taxe est dû quelles que soient les modalités de paiement des rémunérations (par l’employeur français, par l’entreprise située à l’étranger etc.). Par ailleurs, dès lors que le contrat de travail avec l’employeur français est maintenu, la situation d’emploi du salarié expatrié et, en particulier, l’éventuelle conclusion d’un deuxième contrat de travail avec une société étrangère au titre de la même activité est sans incidence sur l’assujettissement à la taxe d’apprentissage. Ainsi, l’assiette de la taxe d’apprentissage est constituée par l’ensemble des sommes versées par l’employeur français ou pour son compte au salarié expatrié et qui auraient été assujetties aux cotisations de sécurité sociale si le salarié avait relevé, en France, d’un régime obligatoire d’assurance maladie ».
Cette doctrine, qui constitue une interprétation particulièrement extensive de la règle dégagée par l’arrêt du Conseil d’Etat précité, ne doit pas conduire à faire oublier le principe de base régissant les taxes assises sur les salaires, et plus particulièrement le fait que seules les sommes versées par un employeur français en contrepartie ou à l’occasion du travail sont susceptibles d’y être soumises. Il est donc important de clarifier la situation contractuelle des salariés en situation de mobilité, afin de déterminer quelles sont les obligations de la société française en la matière.